Lorsque le débat sur le changement climatique et la responsabilité entre en jeu, il faut se référer à la notion de vulnérabilité pour comprendre l’ampleur du problème dans son ensemble, et surtout bien agir. Celle-ci comprend l’exposition, la sensibilité et la capacité d’adaptation.

Ici, l’exposition désigne le risque climatique. Par exemple, la RDC est exposée aux pluies extrêmes, vagues de chaleur… Les Pays-Bas, à la montée du niveau de la mer ; la Chine, aux typhons. Avec le changement climatique, ces risques vont augmenter partout dans le monde. Notre exposition aux risques climatiques est relativement faible (compare au Madagascar et la Mozambique, par exemple).

La deuxième composante, c’est la sensibilité – qui est le niveau de dépendance d’un système à l’exposition (exposition à l’inondation par exemple). Au Congo, par exemple, notre agriculture est sensible parce qu’elle dépend fortement de la maîtrise des précipitations. En Allemagne, on peut s’en passer grâce aux systèmes de serres et d’irrigation. Pour la ville de Kinshasa, la sensibilité est extrêmement élevée parce que la ville est bordée par le fleuve, traversée par plusieurs rivières, et la partie urbanisée se trouve proche de la nappe phréatique. Donc, l’indice de sensibilité est très élevé… contrairement à Kindu, Kananga…. ou d’autres villes, bien que pas  urbanisées (pas trop d’inondation) comme Kinshasa.

Et le troisième volet, c’est la capacité d’adaptation. Lorsqu’on parle d’un plan d’adaptation face au changement climatique, on ne se limite pas à l’aménagement en général, mais il faut aussi tenir compte de l’exposition et de la sensibilité. Même des villes comme Paris, bien qu’elles soient bien urbanisées, ont besoin de s’adapter aux changements climatiques en tenant compte de leur sensibilité et de leur exposition, car elles n’ont pas été construites en prenant en compte un certain nombre de paramètres climatiques – d’où l’on parle d’infrastructures résilientes face aux changements climatiques.

Comment fait-on pour avoir une infrastructure résiliente dans la ville de Kinshasa (système de canalisation…) ? On calcule la probabilité d’un événement extrême (pluie) qui survient tous les 100 ans (en anglais 100-year return period). De manière pratique, on utilise les données de pluies extrêmes (par exemple, le nombre de pluies supérieures à 30 mm) chaque année et on utilise une distribution théorique des valeurs extrêmes (Generalized Pareto Distribution). On identifie les pluies extrêmes qui se trouvent au 95e percentile de la distribution, on détermine leur valeur (par exemple 150 mm – comme interprétation, une pluie de 150 mm est une pluie centenale). À partir de cette valeur, on simule une précipitation de 150 mm sur la ville de Kinshasa et on construit des infrastructures adaptées à cet extrême. Juste qu’avec le changement climatique ces pluies centenales peuvent venir après 50 ans (au lieu de 100 ans)

Notre groupe de recherche est consulté par des sociétés d’assurance comme Munich Re pour justement calculer ce risque avant d’assurer les infrastructures et la société d’assurance peut refuser d’assurer une infrastructure, car elle va perdre compte tenu du risque – bien que nous sommes en allemagne (pays développe) … C’est la partie de la modélisation climatique que j’aime.

Donc, la solution est beaucoup plus complexe lorsque le climat entre en jeu. Il ne suffit pas simplement de bien construire et de garder la ville propre – lorsque le climat entre en jeu, la question devient plus complexe, car vous risquez de construire… et la pluie vient tout détruire à nouveau.

Et pour la ville de Kinshasa, du fait que la partie urbanisée se trouve proche de la nappe (zone marécageuse = sensibilité élevée), il nous faudra beaucoup d’argent pour s’adapter – l’exemple de l’hôpital du Cinquantenaire et du nouveau Zando en est une illustration.

Bon, entre-temps, il faut apporter des solutions traditionnelles comme la gestion des déchets, l’aménagement des digues, la sensibilisation de la population… et tous les problèmes environnementaux et d’urbanisation auxquels le pays fait face – les ingénieurs en urbanisme et civiles sont mieux placés.

Mais la question du changement climatique est beaucoup plus complexe, car le plan d’adaptation des villes (pas seulement Kinshasa, même dans les pays puissants) se chiffrera en milliards de dollars. C’est la raison pour laquelle il existe des fonds d’adaptation face au changement climatique, versés par les pays industrialisés – l’Accord de Paris avait promis 100 milliards, ce qui reste insignifiant.

Et surtout, il faut que la RDC puisse avoir accès à ces fonds et bien les orienter. Mais en amont, il faut identifier les risques, élaborer un plan d’adaptation, puis chercher le financement – ce qui n’a pas encore été fait pour la ville.

En tant que chercheur en changement climatique, il est important de fournir toutes les informations possibles pour que les décideurs puissant comprendre d’abord l’ampleur du problème.

Freddy B.